DISCOURS DE M. LAURENT FABIUS, Président de lAssemblée nationale, Hôtel de Lassay, 9 mars 2000 |
Monsieur le Secrétaire dEtat, Mesdames et Messieurs, Nous sommes aujourdhui réunis entre Palais-Bourbon et Hôtel de Lassay, au cur de lAssemblée nationale, pour rendre un hommage, trop longtemps différé, que la représentation nationale doit à sept jeunes résistants, âgés de 18 à 27 ans, qui ont été jugés ici même par les Allemands, du 4 au 6 mars 1942, condamnés à mort après un simulacre de procès, puis passés par les armes, trois jours plus tard, dans la clairière sinistre du Mont-Valérien. Ils sappelaient : TONY BLONCOURT, ROGER HANLET, PIERRE MILAN, ROBERT PELTIER, CHRISTIAN RIZO, ACHER SEMAHYA et FERNAND ZALKINOV. Beaucoup étaient des ouvriers et des communistes. Leur idéal navait pas de frontières. Ils rejoignaient ces militants nés à Prague, Budapest ou Paris qui moururent dans notre pays assassinés par les pelotons dexécution de Montluc ou du Mont-Valérien. Ces sept partisans avaient participé à la première campagne dattentats contre des officiers allemands engagée à partir de lautomne 1941 en zone occupée : à Nantes, à Bordeaux, à la station de métro Barbès. Dans des conditions extrêmement difficiles, ils furent parmi ceux, assez peu nombreux à cette date, qui eurent le courage de remettre en question limpunité et larrogance des forces doccupation. La Résistance leur doit beaucoup et notre liberté aussi. Les nazis le savaient et cest la raison pour laquelle ils se montrèrent sans pitié. Loccupant voulut en effet donner une signification particulière à ce procès abject, parodie de justice puisque le sort des sept inculpés était scellé davance, en transformant la Chambre des députés en tribunal. La maison de la démocratie utilisée à dessein pour appliquer la barbarie ! La lourdeur du symbole explique probablement lépaisseur du silence qui recouvrit cette tragédie. On ne peut en effet parler de devoir de mémoire que lorsquune étape préalable a été franchie, celle du devoir dhistoire, ce travail minutieux darchéologie qui permet daccéder à la vérité. Le souvenir de ces sept résistants sétait égaré. Peut-être rien naurait-il changé si le frère de lun deux, André Rizo, ne mavait adressé voici un an une lettre pleine démotion pour me rappeler cette première « affiche rouge » placardée sur les murs de Paris. La cérémonie daujourdhui, le travail que jai demandé alors, sur le conseil du professeur Azéma, à un jeune historien, Eric Alary, concernant cet épisode dramatique, tout cela aboutit aujourdhui à un livre dont nous avons souhaité la publication [1] et à cet hommage. Quoique tardivement, il contribuera à réparer linjustice. Tel est le signe dune démocratie adulte ; tel était le devoir de la représentation nationale. |
[1] Eric Alary, Un procès sous lOccupation au Palais-Bourbon Mars 1942, Paris, 2000, préface de Jean-Pierre Azéma. Ouvrage en vente au Kiosque de lAssemblée nationale, 4 rue Aristide-Briand, 75007 Paris. Tél. 01 40 63 61 21. |